YVOIRE, bord du lac Leman
Je me suis rendu à Yvoire, village médiéval au bord du lac Leman. En cette période de demi confinement la plupart des restaurants et commerces de ce village touristique sont fermés, ce qui donne une impression de ville morte.
En sillonnant les ruelles, je regarde les habitations en pierres avec leur balcon en bois. Sur chacune d’elle une enseigne semblant indiquer une activité lors de période plus faste.
Je poursuis mon chemin vers le petit port, une barque est encore à l’eau, les autres sont remontées sur la berge.
La porte verte d’une cabane de percheur est ouverte, à l’intérieur Mathieu un pêcheur du village prépare son filet. Il prend une longueur le pli, reprend une autre longueur et l’installe sur le manche, il vérifie que le filet ne retient pas de coquillage et recommence ce geste sous mes yeux jusqu’à la fin du filet.
Entre temps nous discutons des conditions de la pêche sur le lac. J’apprends que le lac est séparé en deux zones de pêches, les suisses avec 2/3 et les français 1/3. Chacun respecte sa zone et si par mégarde un filet dérivé sur l’autre zone cela se règle dans la bonne entente car tous se connaissent d’un bord à l’autre du lac.
Pour devenir pêcheur professionnelle sur le lac il faut être fils de pêcheur ou être coopté. Les licences sont rares et ne s’obtiennent pas facilement, Pour l’acquisition , deux pêcheurs en retraite doivent céder la leur ou un percheur professionnelle qui arrête sont activité, puis peut être que l’administration accordera la licence d’exploitation. Si cela est le cas alors, il faut une année de formation avec un autre pêcheur pour connaître le métier de pêcheur sur Leman. La transmission se fait ainsi depuis des générations et semble rester dans ce village médiéval.
Mathieu m’explique qu’il pêche pas trop loin du rivage en ce moment car les poissons viennent se nourrir au bord et non dans les grands fonds du lac. Lors de ses sorties en mer, il prend garde à la météo car ici le temps l’été peut très vite changer avec le joran ou le boran : des bourrasques de vent qui montent à plus de 109h/h en quelques minutes.
Il m’explique qu’il subit lui aussi indirectement les conséquences de la pandémie, les données météos sont maintenant moins fiables, cela est dû à la diminution du trafic aérien, les avions en vol communiquent en permanence des données météorologiques et en ce moment ils sont rares.
Sur la porte de la cabane de pêcheur le nom « casa Andre Bechet » est inscrit, il m’explique que l’on donne toujours le nom d’un pêcheur du village à un abri ou une cabane, c’est une manière de se souvenir d’eux.
Mathieu me raconte brièvement la vie d’André Bechet qui fut maire du village et pendant la guerre a évacué plusieurs enfants juifs en les cachant sous ses filets pour les emmener de l’autre côté du lac vers un orphelinat en Suisse. A chaque fois il passait devant la « comandantur » de l’armée allemande qui s’était établie dans le château surplombant le port. Mathieu raconte l’histoire simple d’un homme qui a formé beaucoup de pêcheur du lac. . Je laisse Mathieu à son travail et je vais découvrir les noms Jean Baillif, Barline … qui sont apposés devant cabanes et abris. Lui aussi aura son nom dans ce village mais pas tout de suite
Je longe le lac en regardant au loin la distance qui nous sépare de l’autre rive.