Massif du Makay 2024 – Jour 1 : La piste
Les premiers rayons du soleil illuminent les flancs du massif de l’Isalo. Une couleur orange-ocre colore la façade rocheuse du parc national. Je contemple le lever du soleil depuis le bungalow de mon hôtel. La chaleur commence doucement à s’élever au rythme de la progression du soleil. Je me préparai pour aller marcher et découvrir le massif du Makay.
Je suis arrivé hier après-midi à Ranohira après deux jours de route depuis Antananarivo. C’est un village que je connais bien et où je retrouve différents guides et porteurs devenus des copains. Nous avons l’habitude de nous retrouver à l’épicerie- bar du centre du village pour partager une bière.
Ce massif de biodiversité sauvage, ce réservoir d’eau de Madagascar, ce labyrinthe parcouru de canyons et rivières. C’est un espace encore vierge de touristes seuls quelques centaines par an vont sillonner les rivières et lits de rivières ensablées.
Un homme approche et se présente : Francis un grand gaillard, d’un mètre quatre-vingt-cinq, âgé de 36 ans. Il sera mon guide pour cette pérégrination. C’est un natif du Makay et il organise des treks dans ce territoire depuis 8 ans. Après une brève présentation, il part avec les chauffeurs pour charger la voiture. Nous devons emporter 12 jours de vivre afin d’alimenter la dizaine de personnes constituant l’équipe de marche (porteurs et cuisinier) et également Brigitte une randonneuse venue découvrir avec moi le massif, Fabrice vidéaste qui vient réaliser un documentaire et Ratsiry qui portera le matériel vidéo et batteries.
Pendant ce temps, je vais prendre mon traditionnel petit déjeuner dans une gargote sur la place. Je retrouve mes amis guides locaux, Dolphin, Anta, Héry, ils ont tenu à venir me saluer avant mon départ. Certains ne connaissent pas le Makay, ils sont spécialistes des randonnées dans le parc de l’Isalo. Ils m’envient et me glissent à l’oreille qu’ils aimeraient bien être du voyage. Je mange une soupe, on discute des voyages précédents dans le nord de l’Isalo.
La voiture revient le toit chargé avec les sacs à dos, les tentes et la nourriture. Nous embarquons près de 140 kg de riz, 30 kg de légumes et tous les compléments pour agrémenter nos repas du matin au soir. Pour gérer toute cette alimentation, nous aurons avec nous Jeerika, un cuisinier professionnel, il est robuste.
La voiture est prête avec les 9 passagers à bord et le chargement sur le toit.
Le « veloma », effectué (au revoir en malgache) nous montons dans le 4×4 pour une journée de piste. Freddy et Josépha sont nos chauffeurs, ils connaissent bien la conduite sur route nationale. Ces routes se détériorent d’année en année, ponctuées de trous dans le bitume. Ils roulent parfois sur routes secondaires en terre déformées par le passage de camions qui creusent des ornières profondes par temps de pluie. Par contre, ils ont peu d’expérience sur pistes. Ce sera une découverte pour eux. J’ai testé leur mode de conduite au cours des deux jours de route pour rejoindre Ranohira depuis Antananarivo, Freddy a une conduite appliquée, Josépha une conduite plus brusque et saccadée. Je découvrirai lors de mon retour à Tana que le permis de Josépha était confisqué !
La voiture que j’ai louée pour ce séjour est utilisée parfois par un député, alors je me retrouve dans un véhicule qui bénéficie d’une cocarde vert-blanc-rouge, c’est le gage de ne pas être arrêté par la police ou la gendarmerie. Résultat la tranquillité pour Josépha par rapport à l’absence de son permis de conduire. C’était d’ailleurs surprenant de voir les gendarmes et policiers nous saluer lors de notre passage devant les points de contrôle !
Nous nous rendons à l’unique station du village pour compléter le plein de la voiture et remplir deux bidons supplémentaires de 20 litres, même la voiture sera en autonomie. Une dernière vérification de la pression des pneus et nous partons.
C’est parti pour 170 kms de pistes, soit plus 8h de route. Nous reprenons la route RN7 vers Tana sur 5 kms puis nous pénétrons plein nord sur une piste sableuse. Celle-ci va nous faire traverser différents villages et nous longeons le massif de l’Isalo sur plus de 50 kms. J’ai déjà parcouru cette partie de piste lorsque j’ai été marcher au nord de l’Isalo pour aller découvrir la grotte des portugais.
En ce début de trajet, la piste est sans difficulté. Autour de nous des étendues de savane avec des herbes hautes jaunes formant des ondulations colorées avec le vent. Au milieu quelques arbres émergent.
Nous croisons une ou deux motos et à l’approche des villages des hommes qui mènent un ou deux zébus ou des femmes portant des sacs sur la tête.
Francis dans la voiture m’explique l’itinéraire entre-coupé d’histoire de la région. Nous nous arrêtons à un moment pour voir un tombeau de l’ethnie Sakalava, celui-ci date de plus de mille ans. Il remonte à la période où les sakalava avait conquis cette région avant de se faire chasser par l’ethnie Bara. C’est cette ethnie que je vais découvrir avec ces us et coutumes.
Le tombeau est ouvert : lors du Covid un bon nombre de tombeaux ont été pilés afin de voler les objets qui étaient à l’intérieur. La période des deux années de Covid fut difficile dans la région car il n’y avait plus d’activité économique. Dans l’Isalo le tourisme est la principale activité avec l’accueil de plus de 35 000 personnes chaque année. Le personnel hôtelier et de restauration, les guides, les porteurs, les cuisiniers de trek, ils sont nombreux à vivre de cette activité. Et pendant 2 ans il a fallu pour beaucoup de personnes trouver d’autres moyens de subsistances. Pour certains, ils sont retournés aux champs. D’autres ont quitté la ville. Ceux qui avait un peu de terrain on essayer de le vendre … Un réel appauvrissement au cours de cette période. Pour d’autres, la profanation des tombeaux fut leurs ressources.
Nous poursuivons notre route. A un moment nous devons descendre de la voiture, celle-ci est trop lourde pour passer certains obstacles. Il faut s’y reprendre en plusieurs fois pour franchir les cailloux de la piste.
J’en profite pour me dégourdir les jambes et marche sur la piste : la voiture me récupéra quelques centaines de mètre plus loin.
Vers 12h Francis me montre un point au loin une toute petite maison que l’on distingue peu pour le moment : c’est notre hotely pour ce midi. Au fur et à mesure de notre approche, je vois un ensemble de 3 petites maisons aux toits de paille et murs en terre, accolées, isolées, plantées sur une colline. Arrivé auprès, j’ai l’impression d’être dans une contrée du Far-West américain avec cet hotely, petit restaurant, esseulé sur la route. Il manque juste un panneau du type « Ici dernier hotely avant le désert ». Un panneau de bois indique le nom de l’hôtel « Hotely Maharombaky ».
A l’intérieur une grande table faite de perches de bois pour s’asseoir et le plateau de la table est constitué de petits rondins. Au bout de la table un chat est allongé et un poulet déambule sur le caillebotis de branche.
Une femme nous sert un plat malgache « akoro sauce avec du vary » (poulet sauce avec riz). C’est délicieux et elle nous offrira un café pour terminer le repas.
Avant de reprendre la route Freddy et Josépha commencent la modification de la voiture pour poursuivre la route. Ils démontent le pare-chocs arrière pour ne pas l’abîmer car celui-ci frotte lors de certains passages dans des trous.
Nous poursuivons notre route sans encombre pour cette première journée, traversons des villages composés d’une dizaine de cases en terre. Des enfants accourent le long de la voiture en nous disant bonjour. Le nombre de voitures sur cette route est peu fréquent alors notre passage fait partie des moments d‘exception de la journée. Nous traversons des rivières, puis nous voyons se déployer au loin les premiers baobabs de la région. Toujours aussi élancés et majestueux, ces arbres m’ont toujours ébloui. Vieux de plusieurs centaines d’années ils restent là imperturbables, ils veillent sur la savane depuis leur hauteur. Nous faisons un arrêt devant une allée de baobabs qui borde la route, certes moins impressionnante que celle de Morondava mais très jolie tout de même.
Le soleil commence à décliner, nous arrivons devant le lit du fleuve Mangoky. Le plus long fleuve de Madagascar prend sa source du côté de Fianarantsoa pour se jeter dans le canal du Mozambique à Morombe. C’est le plus grand fleuve de l’ile avec ses 822 kms qui descendent des hauts plateaux.
Cette dernière partie de route est spécifique, nous devons rouler dans le sable, sans s’enfoncer, pour rejoindre le bord de l’eau. Freddy met la voiture en position 4 routes lente et enclenche la seconde vitesse de la voiture. Il fait vrombir le moteur et s’élance ; un arrêt, une hésitation, un écart sur la trace et nous serions bloqués. Il roule prudemment sur les 300 mètres de sable et arrive à bord de l’eau. Francis descend de la voiture émet un sifflement pour appeler le bac sur l’autre rive. Une plateforme posée sur 3 barques s’ébroue sous la poussée d’une dizaine de piroguiers munis d’une perche. On entend les cris des piroguiers, les rires également. Arrivés près du bord, quatre hommes tirent une passerelle, l’accrochent au bac et enfoncent dans le sable l’autre bout. Même opération pour la deuxième en faisant attention à l’écartement : celui-ci doit correspondre à l’écart entre les roues.
La voiture s’aligne et roule doucement vers les passerelles. Sur le bac un homme guide le chauffeur pour être bien en face des passerelles. Un écart de quelques centimètres est la voiture tomberait dans l’eau. Le 4×4 atteint la plateforme et nous le rejoignons sur le bac. Les piroguiers poussent avec effort sur leurs perches pour faire décoller le bac de la berge.
La nuit tombe sur le fleuve. Au fond vers l’ouest une bande orange illumine l’horizon : ce sont les derniers rayonnements du soleil.
L’embarcation effectue une grande boucle sur le fleuve, afin d’éviter de s’immobiliser sur un banc de sable. Arrivés sur l’autre rive, l’opération débarquement commence et la voiture remonte une pente sableuse avant d’atteindre une piste.
Nous roulons pendant 1 km et installons notre premier campement au bord du fleuve. Jeerika commence à préparer le repas. Pendant ce temps Francis nous propose de rejoindre le cœur de la ville de Berorora. Nous nous posons dans le seul bar de la ville. Une boutique de vente d’alcool, à l’extérieur deux tables et des chaises pour permettre de consommer sous la lumière blafarde des néons blancs. Seule la peinture bleue des portes apporte un peu de couleur. Nous commandons la seule boisson appréciable après tant d’heures de route: la bière THB !