Massif du Makay – Jour 11
11ième jour
Ce matin, nous partons sans Francis, sa santé ne s’est pas améliorée. Il prend la décision d’aller consulter un médecin dans un hôpital de village. Avec l’aide Sosony, il va marcher jusqu’à un endroit où il pourra avoir de la connexion avec un réseau téléphonique, afin d’appeler les chauffeurs et leur fixer un rendez-vous pour se rejoindre sur la route. La voiture pourra ainsi le déposer dans un hôpital. J’avais hésité à garder la voiture dans le massif durant notre trek car les chauffeurs ils étaient obligés de rester dans un village de brousse pendant 10 jours, sans rien avoir à faire. C’est Francis qui m’avait conseillé de la garder près de nous « c’est mieux pour la sécurité si jamais l’un d’entre vous avez un problème sanitaire, la voiture pourra venir sur un point d’extraction. » (Il parlait de nous les étrangers) Tout compte fait, il a eu raison, cela s’avère utile et nécessaire, notamment pour lui.
C’est Jerik, le cuisinier, qui va assumer la responsabilité du groupe, il est habitué à voyager avec Francis et avec des marcheurs vazaha. En ce qui nous concerne, nous allons retrouver Remby comme guide.
Nous avons marché avec lui hier et il a très bien assumé son rôle de guide remplaçant. Nous quittons le campement, les porteurs restent pour préparer les sacs, ils nous rattraperont plus tard. Francis et Sosony partiront en même temps qu’eux, à partir de ce moment nous n’aurons plus de possibilité d’avoir de leurs nouvelles. Chacun parcourra sa route indépendamment.
Nous remontons le fleuve Morondava, marchons dans l’ombre ce matin, les hautes parois des falaises ne permettent pas encore au soleil d’irradier la rivière. Le fleuve est large, le débit très faible. Nous le remontons sur 500 mètres avant de rejoindre le lit de la rivière Ampaslava. Nous allons marcher entre des hautes falaises de couleur rouge sombre à l’ombre et ocre-brun au soleil.
Le rythme est repris, nos pas on retrouve le sable. Tout à coup Ratsiry, nous montre sur un pan de la muraille des lémuriens qui se précipitent vers le haut de la falaise. Leurs pelages brun clair se confond avec la roche. Nous les avons perturbés et ils nous ont entendu, ils s’enfuient. Ils grimpent à une vitesse étonnante et sont agiles pour bondir d’un rocher à l’autre. Ici nous sommes en présence de lémuriens sauvages, dans d’autres endroits, comme les parcs nationaux, ils sont plus dociles, plus habitués aux passages de l’être humain. Je les vois sauter sur la crête de la falaise puis disparaitre, nous ne les reverrons plus.
Les lémuriens sont en danger depuis plusieurs décennies à Madagascar en raison de la déforestation, du braconnage et de la perte de leur habitat naturel. Les incendies de brousse détruisent les ressources pour leur nourriture. Certaines espèces sont même considérées en voie de disparition, telles que le lémurien à queue annelée et le lémurien indri. Des efforts sont déployés pour protéger ces animaux et leur habitat, mais la situation reste préoccupante.
Nous cheminons dans ce long couloir avec ces murs très hauts, Remby marche à notre rythme toujours équipé d’un de nos sacs à dos. Nous effectuons une pause et voyons arriver derrière nous l’équipe de porteurs, très dispersée avec Jerik en tête. Le plus jeune d’entre eux écoute de la musique malgache, le son nasillard provient de son téléphone. Ils avancent avec une bonne allure.
A la sortie de ce canyon, nous grimpons sur une colline qui va nous permettre d’atteindre un grand plateau avec de nombreuses petites collines. Je fixe l’horizon à perte de vue, au fond une masse rocheuse très découpée donne les limites du massif. Sur le sol caillouteux et sableux nous retrouvons cette végétation, faites de touffes d’herbes, de karibo et d’arbustes essaimés.
Nous nous hissons sur un point de vue, de là je peux voir les méandres de sable blanc se faufiler au milieu des collines vertes et ocres. J’aperçois le fleuve Morondava qui coule vers l’ouest pour rejoindre le canal du Mozambique.
Rembi me montre une montagne au loin et m’indique que nous ferons étape là-bas ce soir. Je n’arrive pas à calculer la distance, lorsque je la lui demande, pas de réponse. Alors, j’essaye de demander combien de temps pour y arriver, il me répond « une heure et demie peut être »
En fait, il nous faudra le double de temps.
Nous arrivons dans une forêt sèche, le sol est sableux impossible de pénétrer pour la traverser, nous la contournons par le côté. Les arbres ne sont pas très hauts, Nous en trouvons un qui peut nous procurer un peu d’ombre. Il est déjà un peu plus de midi, nous nous installons auprès de cet arbre pour déjeuner. Comme d’habitude, j’allume mon feu pour chauffer mon café, je dois faire attention car avec toutes ces herbes sèches et le vent, le feu peut très vite partir. Le bois est très sec et brule très rapidement. Le sable offre un avantage, celui de pouvoir enterrer sans risque les braises.
Encore une bonne heure de marche dans la savane, je distingue mieux notre lieu de bivouac. Pour la première fois, nous ne campons pas auprès d’une rivière. Nous montons sur une colline où se trouve les grottes d’Andanomité. L’équipe est déjà arrivée, Jerik a installé sa cuisine. Je lui demande s’il a eu un contact avec Francis, il me répond qu’ici il n’y a pas de réseau.
Plusieurs cavités forment cette grotte dans l’une d’elle une source avec une petite mare, l’eau coule le long des murs et dans le feuillage. Au fond du bassin quelques billets d’ariary, la monnaie malgache. Il est de coutume d’effectuer le « fomba ». C’est une pratique traditionnelle à Madagascar qui se réfère à une série de règles sociales, de coutumes ancestrales qui régissent la vie quotidienne des Malgaches. En respectant les « fomba » à Madagascar, les Malgaches maintiennent une relation forte avec leurs traditions et leur communauté, renforçant ainsi les liens sociaux et familiaux qui sont au cœur de leur culture. Je vais également appliquer cette tradition et faire le « fomba » pour demander la protection aux ancêtres. Ils veilleront sur nous cette nuit ! A mon tour, je jette un billet de 5 000 ariarys (1€), il flotte avant de s’enfoncer pour rejoindre les autres coupures. Dans l’eau, au-dessus de ces billets, des têtards dansent dans tous les sens, ils sont les gardiens de ce temple.
Je ne sais pas qui vient récupérer les billets ?
J’explore les six cavités, elles ne sont pas très grandes, ni profondes. Je trouve des signes d’une vie ancestrale comme les roches creusées pour faire de pilons. Était-ce un village, une famille qui vivait ici, c’est difficile de le dire car il n’y a pas d’éléments suffisamment visibles. Je remarque que les quelques grottes que j’ai vu sur le parcours, présentent les mêmes particularités, être en hauteur, pour voir de loin et se protéger des intrus.
Sur le coté de la grotte, je monte sur une plateforme qui permet de dominer le plateau. Jerik nous a installé la nape pour prendre notre thé au moment du couché du soleil.
A l’ouest, le soleil descend, un bandeau orange se forme sur la plaine avant de laisser la nuit prendre sa place.
Nous ferons une partie de jeu de carte et dinerons tranquillement. Nous mangeons le dernier canard de l’expédition.
Il est 21h, je vais dormir en écoutant la douce chanson des crapauds…