Massif du Makay – Jour 12 & 13
12ième jour
Ce matin, il fait encore sombre quand je me lève, je découvre la montagne en feu, pas un grand incendie comme lorsque nos forêts brulent. Ici, c’est juste une ligne qui progresse, brule la végétation et s’éteint quand l’herbe est réduite en cendre. Les arbustes s’enflamment et se consumeront peu à peu. La ligne de feu suit le relief de la montagne, bute sur les rochers et avance peu à peu. Cet incendie s’étend sur des centaines de mètres.
Il est difficile de déterminer la raison de ces feux, ce qui est certain c’est bien l’homme qui les allume. Sont-ils provoqués par des dahalo pour effacer leurs traces pour fuir ou pour effrayer les zébus pour ainsi les capturer plus facilement ? Ou est-ce un éleveur qui met le feu de façon à régénérer la végétation après cet incendie. C’est ce que l’on appelle la culture du brûlis à Madagascar, une pratique traditionnelle utilisée par les Bara. Cela consiste à brûler des zones de végétation pour nettoyer et fertiliser le sol en éliminant les mauvaises herbes et les résidus végétaux. Le brûlis est généralement pratiqué pendant la saison sèche. Cette méthode est considérée comme un moyen efficace et peu coûteux d’améliorer la fertilité des sols et de contrôler les parasites. Celle-ci est très critiquée en raison des conséquences néfastes pour l’environnement, tels que la destruction de la biodiversité, la dégradation des sols, la disparition des arbres…
Je range mes affaires dans mon sac à dos, c’est la dernière journée de notre trek. Aujourd’hui, nous devrions retrouver les chauffeurs Fredy et Josepha, ainsi que Francis en espérant qu’il ait pu se faire soigner.
Pour la première fois nous allons marcher sous un ciel nuageux, pas de risque de pluie, nous sommes en saison sèche. Nous quittons la grotte de bonne heure et retrouve la savane, le temps est frais. Tout le monde part en même temps et il faut peu de distance pour se faire devancer par les porteurs, ils veulent rejoindre rapidement notre dernier bivouac.
De mon coté mes pas paraissent plus lents lorsque j’aborde le lit de la rivière Andranoslotsy, pourtant je l’aborde dans le sens de la descente.
C’est l’approche de la fin de cette longue marche de 11 jours, inconsciemment je ne souhaite peut-être pas qu’elle s’arrête. Même si des moments ont été difficiles, j’apprécie cette expédition, les conditions et surtout cet environnement au sein de la nature, dans le silence.
Je croise un groupe de quatre personnes qui remonte la rivière, Fabrice m’explique qu’ils vont faire un « fomba » auprès du tombeau familial.
Chez les Bara les tombeaux sont construits dans les cavités de la roche. L’entrée est obstruée par des pierres. Le rite funéraire au sein de cette ethnie est différent des autres ethnies malgaches. Lors d’un décès le défunt repose dans un tombeau provisoire puis il est transporté plus tard dans le tombeau familial. Le corps sera exhumé pour le famadiahana une seule fois.
Le famadiahana, souvent appelé « retournement des morts », est une pratique traditionnelle malgache. Cette cérémonie consiste à exhumer les restes des ancêtres de leur tombeau pour les envelopper dans de nouveaux linceuls et les réincorporer dans de nouvelles sépultures.
Cette pratique est issue des croyances malgaches selon lesquelles les ancêtres continuent d’influencer la vie des vivants et doivent être honorés régulièrement. Elle donne lieu à une grande fête familiale de plusieurs, où l’on tue des zébus et on fait participer des groupes de musiques traditionnelles. Le famadiahana est donc une manière de rendre hommage aux ancêtres et de renforcer les liens spirituels avec eux. Un proverbe malgache dit « Les morts ne sont vraiment morts que lorsque les vivants les ont oubliés.»
Plus loin en contre bas de la rivière nous rencontrons un groupe d’une dizaine d’homme assis en rond, ils mangent du riz, tous ensemble dans la même marmite. Ils expliquent qu’ils reviennent d’un famadiahana, maintenant ils retournent chez eux.
Nous continuons est traversons notre dernière rivière la Sakana. Nous marchons sur une piste avec des traces de pneus, je demande à Remby si celles-ci peuvent correspondre à notre voiture. Il me dit non car notre 4×4 doit rester de l’autre coté de la rivière.
Il y a de plus en plus de passage à gué dans les derniers kilomètres, nous passons devant une case abandonnée, les murs sont toujours debout le toit n’existe plus.
Deux de nos porteurs arrivent derrière nous avec une bouteille plastique qu’ils ont été chercher dans du village. Je regarde la bouteille et les regarde, je ne leur demande pas si c’est de l’eau, je sais que c’est du toakagasy. Ils rigolent lorsqu’ils comprennent que je reconnais le contenu.
Encore un passage à gué plus profond, je n’enlève plus mes chaussures, je suis à 500 mètres du bivouac et du point final de notre trek, les chaussures auront tout le temps de sécher.
Un dernier virage, je débouche sur la rivière, la traverse et nous voici sur une plage au bord de la rivière à Bekinana.
Il est 13 heures, fin de la marche à travers le massif du Makay.
Ce n’est pas la fin de l’aventure car il reste encore une journée de piste en 4×4 avant de retrouver une ville et une route goudronnée.
Francis, les chauffeurs et la voiture ne sont pas encore arrivés. Nous n’avons toujours pas de nouvelle.
Je reverrai Francis, à mon réveil après ma sieste, il a été voir un médecin, sa santé ne semble pas s’améliorer. Francis m’annonce que nous n’avons plus de roue de secours. Le pneu a éclaté sur une souche. C’est embêtant de ne pas avoir une roue de secours sur la piste. Les probabilités pour avoir une crevaison sont plus fortes que sur une route goudronnée. Demain, nous devons à rouler pendant 6 heures pour parcourir les 120 kilomètres de piste, encore de l’imprévu dans l’aventure.
Dans l’après-midi, Jerik taille des baguettes en bois pour fabriquer des brochettes, en passant au village Francis à rapporter de la viande de zébu fraiche. Pour ce dernier soir, nous dinerons tous ensemble avec des brochettes, du riz et du toakagasy.
En fin de repas les deux plus jeunes porteurs nous interprètent des chansons Bara, certains se mettent à danser, d’autres créent des percussions avec les bouteilles. Alors, nous aussi avec Brigitte nous leur chantons quelques rengaines françaises.
Il est 21h30, je vais effectuer ma dernière nuit sous tente dans le massif du Makay…
13ième jour
Aujourd’hui dernière étape, différentes des autres car il n’y a pas à marcher. Nous reprenons la piste pour 120 kilomètres.
Le réveil se fait calmement, rien ne nous bouscule, le démontage du bivouac se fait tranquillement. Les chauffeurs préparent la voiture, chargent les bagages sur le toit et chacun retrouve sa place pour ces 6 heures de route. Avant de partir une dernière photo avec toute l’équipe de porteurs et le « veloma » au revoir.
On commence à rouler, ma seule appréhension est la crevaison, il faut absolument faire attention si nous souhaitons être ce soir à Miandrivazo. J’ai déjà vécu une expérience similaire il y a dix ans, avec une crevaison, je suis resté deux jours bloqués dans un tout petit village, avant de trouver une solution.
Les traces de la piste ne sont pas visibles, elle est très peu empruntée. Nous croiserons un tracteur avec une remorque chargée de passagers, c’est le taxi-brousse local.
A un moment un gros camion bloque le passage, des hommes avec des famaky taillent des arbres pour dégager la route.
Je regarde le paysage défiler, les yeux vers l’horizon, je repense à toute cette traversée. Le souvenir des canyons, des points de vue, des rivières… puis le rythme de la voiture, les secousses m’endorment. C’est Francis qui a pris le volant, il connait la route et sait conduire sur piste. C’est une technique la conduite sur piste, vous pouvez rouler comme en rallye dans ce cas les passagers sont secoués ou vous pouvez conduire comme à la barre d’un bateau, prendre les bosses et les trous par le travers pour adoucir les chocs. C’est ce qui me permet de m’endormir, ainsi que mes autres compagnons de marche.
Apres 6 de route, nous parvenons à Malaimbandy, c’est ici que nous nous séparons avec Francis et Jerik, eux prennent une voiture qui va les ramener chez eux. Nous nous retrouvons la route goudronnée pour retourner vers Antananarivo.
* * *
Ce trek est terminé, je suis très satisfait de l’avoir réalisé, d’avoir découvert une région de Madagascar encore vierge. C’est un endroit où j’espère revenir pour sillonner dans les méandres des rivières avec ou sans eau, m’enfoncer dans d’autres canyons encore peu visiter. Vivre ce temps où vous abandonnez tout votre univers, loin de tout, sans connexion. Un espace où la part d’inconnue est encore présent dans un trek.
Ma prose s’achève maintenant, j’espère que la lecture de ces lignes vous a donné envie de venir marcher pour découvrir le massif du Makay.
Je remercie Francis, notre guide qui nous a mené pendant ce trek, Jerik le cuisinier qui nous a nourri chaque jour, tous les porteurs qui ont permis de vire en autonomie et partager avec eux le toakagasy. Freddy et Josepha nos chauffeurs qui ont su nous conduire sur les pistes du Makay.
Je remercie également Fabrice qui a filmé les différentes étapes de ce trek pour réaliser un documentaire et Ratsiry qui a porté le matériel photo et batteries et a été très attentionné tout au long de la marche.
Une attention particulière à Brigitte qui a osé se lancer avec moi dans une aventure inconnue.
Je vous remercie chère lectrice et cher lecteur d’avoir pris le temps de lire les 13 étapes de ce trek.
Il est 21h30, j’éteins mon ordinateur pour aller dormir…